Le travail intense et discret réalisé en Espagne par des confessions religieuses telles que les bouddhistes, les bahá’ís, les évangéliques, les mormons, les membres de la Scientologie, les juifs, les sikhs et les témoins de Jéhovah est resté pendant des décennies dans l’ombre, hors des projecteurs médiatiques. Cependant, une étude pionnière commandée par le Fondation Pluralisme et Coexistence (Fondation Pluralisme et Coexistence (Vivre Ensemble), rattachée au Ministère de la Présidence espagnol) et réalisée par des chercheurs de l’Université Pontificale de Comillas vient de révéler l’énorme dévouement de ces communautés aux tâches d’assistance sociale, ainsi que les lumières et les ombres de leur contribution dans ce domaine. “L’action sociale des confessions minoritaires en Espagne : carte, pratiques et perceptions” (accéder au rapport complet ici) (L’action sociale des confessions minoritaires en Espagne : carte, pratiques et perceptions) a été publié le 28 décembre par l’Observatoire du pluralisme religieux en Espagne.
Le rapport, basé sur des entretiens, des groupes de discussion et une enquête auprès des dirigeants et des membres actifs de ces religions minoritaires, a pour la première fois cartographié les contours, les valeurs, les forces et les faiblesses de l’aide qu’elles acheminent aux plus défavorisés.
Les chercheurs écrivent que pour leurs « recherches, l’univers d’analyse s’est concentré sur les confessions minoritaires suivantes : bouddhiste, Évangélique, Bahá’í Foi, Église de Jésus-Christ de Saints des derniers joursÉglise de Scientologie, juif, musulman, Orthodoxe, témoin de Jehovah et Sikh. Le choix de ces confessions est lié à leur présence et à leur institutionnalisation en Espagne, ainsi qu’à leur opportunité et leur collaboration ».
Et l’instantané obtenu est fascinant : un foyer de communautés dévouées corps et âme au travail d’accompagnement social qui opère avec ténacité, quoique avec plus de volontarisme que de puissance institutionnelle. Un trésor dont la richesse reste encore à découvrir.
Une aide discrète mais constante
La première conclusion que l’on peut tirer de l’étude est que les confessions religieuses minoritaires mènent depuis des années un travail d’assistance discret mais énorme, axé avant tout sur les groupes vulnérables tels que les immigrés, les réfugiés et les personnes vivant dans la pauvreté.
Il s’agit d’une aide discrète, loin des projecteurs médiatiques, mais qui a un impact réel sur des milliers de personnes dans le besoin. Ils agissent comme des radars qui détectent de près les situations d’urgence et d’exclusion sociale, auxquelles ils tentent de répondre avec leurs ressources limitées mais efficaces.
C’est pourquoi l’une des principales recommandations tirées du rapport est que cette contribution discrète nécessite une plus grande visibilité sociale et institutionnelle. La société doit valoriser cet effort de solidarité. Il est également important que les administrations facilitent leur travail par des mesures de soutien, sans chercher à le contrôler ou à l’instrumentaliser.
Comme il est dit dans son Résumé exécutif:
“Cette analyse n’entre pas dans la dimension théologique ni dans une réflexion sur les fondamentaux des différentes confessions religieuses en matière d’action sociale. Certes, certains de ces fondements, idées et croyances deviennent transparents au cours de la recherche, mais tel n’est pas le but de la recherche. L’objectif est plus pratique et analyse comment cette action sociale se manifeste, comment elle est organisée, avec quelles personnes et organisations elle est en relation en Espagne et quels problèmes sont rencontrés dans son déploiement dans une société hautement sécularisée.« .
Des valeurs basées sur une vision intégrale du monde
Une autre particularité qui ressort de l’étude est que l’action sociale de ces communautés s’inspire directement de leurs systèmes de valeurs et de croyances religieuses. Il ne s’agit pas seulement d’une aide technique ou aseptique, mais elle est profondément enracinée dans une vision spirituelle du monde qui lui donne un sens.
Ainsi, des concepts tels que la solidarité, la charité et la justice sociale font partie intégrante de ces croyances et deviennent vecteurs de leur contribution sociale. Il ne s’agit pas seulement d’apporter une aide ponctuelle aux plus défavorisés, mais de construire une société plus humaine et plus équitable.
Liée à cette vision holistique du monde, une autre conclusion pertinente de l’étude est que la dimension spirituelle fait partie intégrante de l’aide qu’ils apportent aux personnes dans le besoin. Ils comprennent qu’à côté de la privation matérielle, il existe également des vides émotionnels et des préoccupations transcendantes qui méritent d’être abordées.
Les chercheurs notent également que cette attention spirituelle légitime peut conduire à un certain prosélytisme, c’est pourquoi ils recommandent un équilibre prudent lors de l’action sociale avec des personnes extérieures à sa propre confession.
Une contribution communautaire et proche
Face à la bureaucratisation et à la technicisation croissantes du secteur social, une autre des clés mises en évidence par l’étude est la capacité de ces confessions à articuler des réseaux de soutien communautaire. Leurs liens internes de solidarité agissent comme un tampon contre les situations de besoin et d’exclusion.
Ainsi, une grande partie des ressources qu’elles mobilisent proviennent de quotas ou de dons de leurs propres membres, qui se sentent sujets actifs de l’action sociale, plutôt que de simples bénéficiaires passifs de l’assistance technique. Ce sentiment de réciprocité renforce les liens communautaires.
Par ailleurs, l’enquête a révélé que l’aide est principalement déployée dans des environnements locaux proches des lieux de culte, ce qui garantit la proximité et la capacité de répondre rapidement aux besoins les plus proches du domicile. C’est également positif pour le développement de la communauté.
Des structures qui méritent plus de soutien
Cependant, en plus de toutes ces forces, l’étude met également en évidence d’importantes faiblesses qui entravent la contribution sociale de ces confessions minoritaires. Le principal tient à la fragilité des structures organisationnelles de beaucoup d’entre elles, trop volontaires et informelles.
Même si certains sont très bien organisé, beaucoup de ces communautés manquent d’organigrammes, de budgets, de protocoles et de personnel qualifié dans le domaine social, même si cela ne les empêche pas de faire tout leur possible pour être efficaces. Tout repose sur les efforts et la bonne volonté de leurs membres les plus engagés. Cependant, cela limite leur capacité de planification, de croissance et de continuité dans les actions entreprises.
Face à cette situation, les chercheurs réclament des efforts accrus d’institutionnalisation, ainsi que des mesures de soutien public qui contribuent au renforcement organisationnel de ces confessions religieuses, tout en respectant leurs principes fondateurs.
Ils constatent également une déconnexion entre le tiers secteur et les réseaux sociaux public-privé. Selon l’étude, il est donc urgent d’améliorer les canaux de dialogue et de coordination avec les autres acteurs sociaux. La complémentarité et les synergies sont essentielles pour multiplier l’impact.
Au-delà de l’inertie historique
En bref, l’étude met en évidence une série de points forts intrinsèques de l’action sociale fondée sur la foi, mais également un certain nombre de défis à relever pour son plein développement. Forces et faiblesses qui doivent être abordées.
Surmonter la vieille inertie historique qui a maintenu ces communautés religieuses dans un vide de semi-clandestinité. Reconnaître leur poids démographique croissant et leur contribution sociale décisive. Et d’articuler des filières favorisant leur pleine insertion dans la société civile, tout en respectant leur légitime diversité.
Comme le soulignent les chercheurs, les religions minoritaires ont beaucoup à contribuer à la construction d’une société plus cohésive, inclusive et fondée sur des valeurs. Leur trésor de solidarité est enfoui depuis trop longtemps. Le moment est venu de le déterrer et de lui permettre de briller. Cette radiographie rigoureuse de leur action sociale peut être un premier pas sur cette voie.
L’action sociale des religions minoritaires en Espagne : carte, pratiques et perceptions
Par Sebastián Mora, Guillermo Fernádez, José A. López-Ruiz et Agustín Blanco
ISBN : 978-84-09-57734-7
Les contributions des différentes confessions religieuses à la société sont multiples et plurielles et, parmi celles-ci, l’une des plus reconnues est leur capacité à aider les personnes en situation d’exclusion et de vulnérabilité. Toutefois, les études sur l’action sociale des confessions religieuses minoritaires en Espagne sont encore rares et très partielles. De plus, le niveau d’institutionnalisation et de formalisation de l’action sociale dans la plupart de ces confessions est faible, ce qui ne permet pas un accès facile aux données et limite leur visibilité.
Ce rapport constitue la première approche quantitative et qualitative de l’action sociale des confessions religieuses minoritaires en Espagne à partir de leur propre perception et compréhension de la pratique de l’action sociale. Il analyse comment se manifeste l’action sociale des différentes confessions religieuses, leurs processus fondamentaux, le moment dans lequel elles se trouvent et les difficultés et défis auxquels elles sont confrontées, en même temps qu’il fournit des conclusions et des suggestions d’action dans le dialogue avec la société civile. .
Le Observatoire du pluralisme religieux en Espagne a été créée en 2011 à l’initiative du ministère de la Justice, de la Fédération espagnole des municipalités et provinces et de la Fondation Pluralisme et Coexistence, conformément à la mesure 71 du Plan des droits de l’homme du gouvernement espagnol 2008-2011 et dans le but d’orienter les administrations publiques. dans la mise en œuvre de modèles de gestion conformes aux principes constitutionnels et au cadre réglementaire régissant l’exercice du droit à la liberté religieuse en Espagne. Sans modifier son objectif ultime, l’Observatoire entame en 2021 une nouvelle étape dans laquelle la production de données et l’analyse prennent une place plus importante.
L’article a été publié pour la première fois à cette adresse The European Times.